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Les apparences sont trompeuses

Publié le par Clémentine Mansiantima

Polygamiques, un titre choc! Ceux qui se réfèrent d’emblée au mariage polygamique frémissent au contact du recueil de nouvelles de Nathasha Pemba. Une interprétation trop hâtive voire gratuite ou erronée. Le risque serait de se fier aux apparences comme le laisse voir l’expérience de Nathalie, la narratrice autodiégétique de la première nouvelle, « Ma future belle-mère », qui nous intéresse.

Nombreuses sont ces filles qui ont du mal à être dans leur peau. Elles veulent tout, se laissant séduire par ce qu’elles croient bon, beau ou idéal pour leur vie et survie. Pourtant, tout ce qui brille n’est pas or, contrairement à ce que nous apprend Nathalie, dans l’incipit de « Ma future belle-mère » : « Lorsque j’ai mis les pieds pour la première (sic) chez mes futurs beaux parents, j’ai presqu’haï ma mère. La gentillesse de ma future belle-mère m’a fait prendre conscience d’un certain nombre de choses. Elle m’a surtout dévoilé les défauts de ma mère » (p. 7).

Il y a trois femmes, deux générations. A chacune sa perception du monde. Les regards de la jeune croisent ceux des adultes : la mère et la future belle-mère. Elle a en face d’elle deux mères, deux modèles qui s’opposent ou plutôt qu’elle oppose par rapport à soi, à ses critères d’appréciation. Les apparences ne sont-elles pas trompeuses? Ce à quoi nous amène Nathalie, emportée par l’image de la belle-mère :

Ma future belle-mère est une grande dame. Elle travaille au Trésor public. Elle tient en même temps un commerce, comme c’est de mode dans ces grands bureaux de la fonction public. Elle vend des habits et des parfums de luxe. Elle voyage beaucoup et à chaque fois qu’elle rentre, elle m’offre plein de cadeaux. Elle est connue dans tous les grands milieux du pays. La cour des grands ne lui est pas étrangère.

Elle est une force, ma future belle-mère et je l’adore pour tout ça. C’est une femme, une vraie, une force tranquille. Une force de la nature. Une femme qui ne se laisse pas faire, mais qui sait aussi rester à sa place. Elle est difficile à manipuler. Des fois, j ai envie d’être comme elle. (p 15)

Ne sachant pas ce qui s’y cache, Nathalie se fie à cette représentation qui l’a conduite à juger sévèrement sa mère, même si la conduite de celle-ci est quelque peu répréhensive :

En réalité, à chaque fois que j’observe maman je suis effrayée. J’en déduis qu’elle n’est ni ordinaire, ni extraordinaire. Elle est typique. Je souhaite ne pas devenir comme elle […]. En réalité, je compare ma belle-mère, femme parfaite, à ma mère, femme imparfaite, parce que ma mère, il est difficile de voir son sourire sauf lorsqu’elle est dans la cuite. « La nuit et le jour » est l’expression exacte pour comparer ma mère à ma future belle-mère (p. 9).

Le contraste est saisissant. La narratrice recourt à la comparaison. L’une séduit, l’autre effraie. L’une incarne la perfection, l’autre renvoie une image imparfaite. L’une représente la lumière, l’autre les ténèbres. Le discours de la jeune fille convoque la problématique du modèle familial où les parents sont appelés à être des points de repère pour leur progéniture. Dans le cas d'espèce, la jeune fille se projette dans la belle-mère. Elle veut avoir cette mère-là, compte tenu de son capital symbolique et financier. La comparaison est-elle toujours raison?

Emportée par les sentiments, Nathalie laisse sa curiosité l’engloutir. Devant le refus de Stéphane son fiancé qui lui interdit d’aller chez sa future belle-mère, elle s'obstine. Elle veut savoir où elle met les pieds, notamment parce qu’un jour elle est appelée à devenir membre de cette famille : « Ma curiosité légendaire aidant, je sentis en moi le désir de découvrir le vrai visage de la famille de mon futur mari » (p 20-21).

La réalité laissera-t-elle Nathalie voguer dans ses fantasmes? Elle ignore que depuis la première rencontre, la belle-mère, bisexuelle, rêve de la mettre dans son lit et partager avec elle ses expériences sexuelles.

A travers une narration fort subjective, Nathalie revient sur terre et tire sa propre leçon « Oui je venais de tomber dans mon propre piège, ma mère me manquait, ainsi que sa mauvaise odeur d’alcool. On dit souvent que l’apparence est trompeuse. Je crois que l’apparence m'a vraiment eue » (p. 28).

L’histoire de la première nouvelle ne s’arrête pas là. Nathasha Pemba nous laisse la latitude d’écrire la suite et de lire aussi les autres nouvelles de Polygamiques. Rendez-vous à ne pas manquer!

Polygamiques, Éditions La Doxa, Rungis, 2015, 182 pages. (15€, 17$, 10.000 CFA)

Clémentine Mansiantima Nzimbu

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N
Moi aussi je suis de cet avis. Un peu comme Johanne. Il nous arrive souvent de détester notre propre mère et d'aimer celle de l'autre. Mais finalement on se rend compte que notre maman, souvent même dans sa folie reste notre maman.
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J
j'ai aimé ton article. Nathalie a fait son expérience et a voulu connaitre à fond l'image de cette mère parfaite mais elle devait savoir qu'une mère est unique et on ne la change jamais quelque soit ses défauts. Maman ya kala to ya sika azalaka te, mais bokilo ya kala to ya sika azalaka.
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